Une image de la qualité viellotte

Tout d’abord, je constate que l’image de la qualité est souvent dépassée. Revenons en arrière et faisons un peu d’histoire pour comprendre l’image qu’elle garde encore chez certains.

Beaucoup d’études ont été faites sur le lien entre la division du travail en tâches de plus en plus parcellaires et une perte de sens du travail ou de l’action. Dans l’article de Wikipedia sur la division des tâches, il y apparaît que depuis très longtemps, la spécialisation a été vue comme le moyen d’amélioration de la qualité et de la productivité.

Mais l’excès de division, poussé par la recherche de productivité, trouve une limite. Le professionnel n’intervenant que sur un bout de la chaîne la valeur ajoutée, ou le sous-traitant fournissant un simple composant, perd grandement la capacité de juger quel est l’impact de son travail sur la qualité du produit ou service complet. Il doit s’en remettre aux critères d’acceptation définis pour sa seule tâche.

La qualité repose donc sur des critères d’acceptation définis à certaines étapes et la manière de vérifier leur respect. Les systèmes qualité d’avant les années 1990 étaient donc des recueils de règles et contrôles à faire pour assurer un niveau de qualité suffisant aux clients, tout en cherchant à en limiter le coût. Peu motivants pour les opérationnels, ils sont ainsi acquis une image ringarde et de lourdeur, plus basée sur du contrôle que sur de la prévention.

La chasse au gaspi

La recherche de productivité a poussé à limiter les coûts de la non-qualité. Dans l’industrie de production de masse, il apparaissait évident de se pencher sur la maîtrise des procédés. Les grands industriels (dont les fabricants de composants semi-conducteurs), ont beaucoup contribué à l’essor de nouvelles méthodes, visant des lots plus homogènes, donc moins de pièces hors norme. L’une de ces méthodes est connue sous le nom de 6-sigmas.

Mais la productivité ne se cantonne pas dans la diminution des rebuts ou des retouches. Il y a la chasse aux opérations inutiles, ou sans valeur ajoutée. On parle souvent de lean-manufacturing. Combiné aux méthodes de maîtrise des procédés, cela donne ce que beaucoup appellent le Lean-6 sigmas.

Plus récemment, on a entendu parler de méthodes agiles : en fait il s’agit d’adapter les règles et habitudes (mais pas nécessairement tout oublier) pour être plus rapide, lever des freins et des lenteurs, et souvent en réduisant les ressources humaines et matérielles nécessaires.

Des méthodes inconciliables ?

Chacun de ces concepts repose sur du bon sens ; il est donc vain de les opposer. Il est plus utile de voir leurs points de force, leur complémentarité et leurs points communs. A chacun alors d’introduire son cocktail de chaque en fonction des son organisation, pour une solution qui sera adaptée à sa situation. Mais il ne faut pas oublier les fondamentaux :

  1. comment assurer que les activités sont orientées pour le succès de l’entreprise, sachant que celui-ci passe par la satisfaction des clients et par une bonne collaboration avec les autres parties prenantes ?

  2. quelles sont les obligations de l’entreprise et comment s’organiser pour qu’elles soient respectées, pour ne pas la mettre en difficulté ?

Quand on aborde une telle transformation, il est utile de pouvoir confronter ses idées avec celle d’autres personnes, de voir des exemples et des retours d’expérience pour mieux s’orienter. Car tout point de vue ou remarque, s’il est bienveillant, sera une opportunité d’amélioration.

Alors, quel rôle pour le système qualité ?

Les systèmes qualité sont-ils alors démodés ? Aujourd’hui ils s’intéressent au fonctionnement par processus, mettant en perspective les activités les unes par rapport aux autres. A la fois canal de communication nerveux et sensoriel pour l’orientation (diffusion et mesure des objectifs) et squelette (organisation pour l’action), l’entreprise pourra s’appuyer dessus pour déployer sa stratégie.

Indépendamment de votre dose d’introduction d’agilité ou d’autre méthode, le système qualité se doit d’être toujours adapté pour être efficace : il lui faut évoluer en temps réel pour suivre les changements internes, et rester pertinent face aux évolutions du contexte et des enjeux externes. Quand il l’est, il devient pour l’entreprise un moyen très efficace pour déployer et atteindre ses objectifs stratégiques (incluant les objectifs qualité).

Mais pour en tirer tous les bénéfices, il est important d’avoir une forte cohérence entre les enjeux pour l’entreprise et les objectifs stratégiques, puis les décomposer en objectifs plus opérationnels avec cette cohérence lisible à tous les niveaux de l’entreprise. Rien de mieux que de savoir clairement quel enjeu est derrière un objectif particulier. Ce faisant, les décisions prise au plus proche de l’action par les opérationnels, seront plus cohérentes avec les objectifs et la stratégie de l’entreprise, la rendant plus efficace.

Il n’est pas simple de choisir des indicateurs pertinents, simples à comprendre, disponibles, et faciles à surveiller. J’en fais souvent le constat dans les entreprises que je visite. Mais la définition des indicateurs est importante et mérite à elle seule une réflexion approfondie. Ce sera probablement le sujet d’un prochain article.